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Le secret de Sophie

Un soir, à l’anniversaire d’une amie, Sophie fait la connaissance d’une Muriel très sympa, et la conversation est suffisamment agréable pour qu’elles n’aient pas besoin de se demander ce que chacune fait dans la vie. « Muriel ne me l’aurait pas dit, par respect pour mon amie, qui a été sa patiente », observe Sophie. C’est lors d’une conversation sur l’éventualité d’une opération que cette amie lui dit « mais tu as rencontré ma chir, à mon anniversaire ! » avant de lui raconter une intervention « pas si compliquée », « pas si chère » et, surtout, « pas dangereuse ».

Sophie entend d’autant mieux qu’elle a mûri l’idée de rehausser sa poitrine.

« Je n’en souffrais pas mais ça me marquait tout le temps. Je m’interdisais les tenues sans soutien-gorge. Je pense que les autres ne le remarquaient pas, j’ai souvent entendu ‘toi tu as de beaux seins’, je n’ai jamais subi de remarques ou de regards. Le jour où j’en ai parlé à un amoureux, il m’a dit ‘tu es malade, pourquoi penses-tu un truc pareil ? tes seins sont très bien’.

C’est vraiment pour moi, dans le miroir, que je me suis mise à en avoir envie ».

L’envie et les barrières

Mais la jeune femme bute sur ses propres barrières. En vrac, la banalisation de ce qu’elle ressent (de « ce n’est pas un problème de santé » à « y a plein de choses bien plus graves dans le monde »), un peu de peur de l’intervention (de « pourquoi m’infliger une anesthésie générale ? » à « je sais ce que j’ai mais pas ce que j’aurai »), un peu de peur du jugement d’autrui, aussi : « mes seins ne sont pas très beaux seins mais ils sont naturels.

un corps étranger ? pas question !
Si j’ai peur ? Non. Mais j’ai des doutes

 Je me suis demandé ce que penseraient les mecs, tous ceux qui en parlent en disant ‘moi je les vois direct’ ! Je me suis demandé ce qu’on allait penser de moi, si on allait me trouver superficielle… ».

Pourtant, elle prend rendez-vous. Muriel devenue Dr Muriel la rassure. « Elle me dit qu’il s’agit juste de remonter ma poitrine, en aucun cas de placer un implant. Ça me va : un corps étranger ? pas question ! Si j’ai peur ? Non. Mais j’ai des doutes. Et Muriel me répond que le contraire serait étonnant. Je la trouve structurée et pragmatique en plus d’être chaleureuse. J’en sors avec vraiment les idées claires. C’est indispensable, on ne se fait pas découper par quelqu’un sans avoir confiance ! ». Que le chirurgien soit une chirurgienne ? Sophie qui n’a pas rencontré d’autre spécialiste et, de manière générale, n’a pas besoin d’un médecin femme, élude la question, sur laquelle elle pose un regard égalitaire.  

« Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir de beaux seins,

 je n’avais pas davantage pensé passer à l’acte ».

On est en mai 2021. Sophie en parle à sa maman et sa sœur (« Elles n’ont pas du tout les mêmes seins ! Je suis seule à avoir hérité cette ptose ! ») avec une réelle appréhension. « J’avais peur qu’elles jugent ma décision, la somme d’argent… au lieu de ça elles m’ont dit que depuis le temps que j’en parlais, je devais foncer ».  L’opération peut être programmée rapidement mais l’été s’approche et Sophie a besoin de vacances. Et de laisser pousser tranquillement sa décision, « sans précipitation ni regret ». Dire oui lui prend 6 mois, au cours desquels elle achète les vêtements de l’après, comme si une part d’elle avait déjà tranché. « Février arrive et je ne veux pas retomber dans l’appréhension de l’été.

Or mars est le mois où j’ai moins de déplacements professionnels.

J’y vois un bon alignement des planètes qui me dit ‘tout ça tombe bien, avance !’ ».

Et plus le 17 mars approche, plus elle est sûre de sa décision.

Patiente impatiente

Le matin même de l’intervention, on lui donne une blouse et un calmant qui fonctionne jusqu’à la salle d’opération où les perfusions et autres cathéters lui collent une montée d’angoisse. « Le docteur arrive, me dit que tout va bien se passer et dessine sur mes seins. J’ai les épaules tellement raides que l’infirmière me les tapote gentiment me détendre ».

« Au réveil, je vérifie que mes jambes bougent, puis je touche mes seins : ils sont toujours là ! ». Toujours là, mais sensibles. L’antalgique est indispensable. Le 1er jour les pansements masquent le travail, le lendemain, Dr Muriel les retire. « Je ne veux pas regarder. Elle insiste. Je ne vois que le dessus. Pendant quelques heures, j’ai l’impression d’avoir la poitrine de quelqu’un d’autre ! ».

Au réveil, je vérifie que mes jambes bougent, puis je touche mes seins : ils sont toujours là ! 

Sophie l’hyperactive a pour habitude de maîtriser son existence pressée.

Elle n’a posé qu’un jour de congé adossé au week-end et va le regretter. La première semaine, elle doit marcher lentement, elle qui adopte toujours une foulée plus rapide que les autres. « J’appréhendais les chutes et je me sentais vulnérable dans la rue, alors j’évitais de sortir et j’étais prudente dans les transports ». Il lui faut 3 semaines pour reprendre le vélo, 6 semaines pour aller comme avant et 2 mois pour retrouver les parois d’escalade.

Ce qui lui pose surtout un problème de discrétion : « seul mon premier cercle au courant. Les gens ne comprenaient pas que je ne fasse ni sport ni vélo, que d’active et énergique, je sois soudain devenue statique. Impossible que ça passe inaperçu !

Alors j’ai dit que j’avais mal au dos ».

La patience paie et le miroir dit chaque jour des choses plus encourageantes.

Avant, après, un même secret

Sophie appréhende les cicatrices.

Le laser a permis qu’elles soient fines et plates… même si moins fines que celles de la copine de l’anniversaire !  Leur simple existence fait que Sophie s’interdira tout monokini même si elle n’a « jamais voulu bronzer seins nus ». « Mais je me sens mieux », résume-t-elle, « j’ai moins de barrières, je me sens libérée, légère ». Une mue commencée deux ans avant, à l’occasion d’une séparation.

je me sens mieux,
j’ai moins de barrières,
je me sens libérée, légère

Sophie d’après ressemble à Sophie d’avant, elle se demande toujours un peu si c’est invisible… « Je tenais à ne pas avoir de réduction. Je porte les mêmes soutiens-gorges, mes seins font à peu près le même volume, mais ils sont plus ronds, moins étalés, bref plus jolis ! ».

Du haut de son mètre 63, elle a toujours fièrement porté son bonnet D et ne s’est jamais privée de mettre des décolletés. Une diminution aurait trahi son secret…

Ce qu’on ne fera pas ici, sans photo de cette Sophie qui ne s’appelle pas du tout Sophie !

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